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Pourquoi travaillez-vous ? C’est une question que nous devrions tous nous poser sérieusement quand nous en sommes à nous traîner du matin au soir, et ce tous les jours de la semaine, pour gagner juste de quoi payer nos factures et suivre le mouvement général de quasi toute une population… Etes-vous vraiment obligé de travailler ?
Cette question, pourquoi travaillez-vous, est le titre d’un très vieil article de Vol West (et qui n’existe plus) qui m’avait interpellé tellement cela résonnait fort chez moi à l’époque. Article dont les premières lignes étaient celles-ci :
« Il m’est toujours intéressant de participer à la rencontre sociale. Ce moment ou deux individus, au détour d’une rencontre, s’échangent des questions plus ou moins maladroites, est un ballet que nous répétons sans cesse.
Je remarque cependant qu’une question semble aujourd’hui être des plus importantes ; « Qu’est-ce que tu fais / tu bosses dans quoi ? »
Sans doute que la recherche rapide d’un repère social est à l’origine de cette question, et sans doute qu’elle représente une manière efficace de comparer nos pouvoirs de consommations. Nous pourrions même dans certains cas demander : « Combien tu consommes toi ? », que ce serait pareil. »
Puis il poursuivait avec :
« Par contre, nous sommes rarement confrontés à la question : « Pourquoi tu travailles ? » Mais alors… Pourquoi travaillons-nous ?
– Pour payer nos loyers, nos prêts hypothécaires.
– Pour pouvoir manger, boire.
– Pour nous chauffer, nous éclairer.
– Pour nous déplacer.
– Pour acheter ce dont nous avons besoins.
– Pour nous sentir en sécurité.
– Pour bénéficier de soins… Pour avoir une bonne mutuelle.
– Pour donner à nos enfants un toit, une éducation, et une position sociale meilleure.
– Pour cotiser, et pouvoir bénéficier d’une sécurité sociale, d’une retraite.
– Parce que nous sommes obligés ? »
Réponse personnelle à ce « pourquoi travaillez-vous ? »: – Les gens travaillent pour qu’une société qui ne me convient pas continue de vivre.
Mais encore ?
Une vidéo/podcast avec un éclairage un peu décalé, mais si peu, à l’image du pendu, dans le tarot… avant de poursuivre juste en dessous, avec ce sujet important du « Pourquoi travaillez-vous ? »
Une société est faite pour les faibles
Il y a cette remarque de Cizia Zykë (aventurier et écrivain français) que j’avais noté : « Une société est faite pour les faibles. »
En effet, à la base, la création d’une société est faite pour protéger les membres qui l’a constitue. Elle est le fruit savamment cultivé, soigné, d’un groupe de personnes, d’une communauté, d’un clan, d’une famille, souhaitant mettre en place un lieu de confiance et d’échange. Un lieu protecteur pour vivre au mieux dans un univers jugé violent.
A la base, car à notre époque et depuis un certain temps déjà, elle n’est plus tout à fait au service des membres qui la constituent. Elle s’est un peu « humanisée » de la plus laide des façons qui soit. Mais sans doute d’une laideur nécessaire (?). Elle est devenue une entité, cette société. Les hommes l’ont créé et lui ont donné cette place, ils ont accouché du monstre, notre Frankenstein.
Quand une société cherche inconsciemment à couper le cordon ombilical pour que ses enfants se prennent enfin en main
A la fois mère et père, état providence. Des parents dont nous manquons si cruellement et qui, aux yeux des enfants que nous sommes, nous alimentent de leurs paroles d’évangile. L’Etat, notre père, est là pour notre bien ! La société est notre mère à tous. Amen.
Les rôles se sont inversés, la société est devenue une sorte de monstre dévoreur d’enfants, ceux-là même qu’elle était censée protéger. Mais pourquoi ? Par manque de maturité et donc de lucidité des enfants en question. Une étape obligée pour le passage à l’âge adulte. Une étape initiatique. C’est dans les pires moments que l’homme se révèle à lui-même, ou disparaît, c’est selon.
Ma première pensée, suite à la lecture des questions de ce début d’article de Vol West, avait été cette histoire du pêcheur Mexicain :
Pourquoi travaillez-vous ? Etes-vous vraiment obligé ? : Le pêcheur Mexicain
Au bord de l’eau, dans un petit village côtier mexicain, un bateau rentre au port, ramenant plusieurs thons. L’Américain complimente le pêcheur Mexicain sur la qualité de ses poissons et lui demande combien de temps il lui a fallu pour les capturer :
« Pas très longtemps », répond le Mexicain.
« Mais alors, pourquoi n’êtes-vous pas resté en mer plus longtemps pour en attraper plus ? » demande l’Américain. Le Mexicain répond que ces quelques poissons suffiront à subvenir aux besoins de sa famille.
L’Américain demande alors : « Mais que faites-vous le reste du temps ? »
« Je fais la grasse matinée, je pêche un peu, je joue avec mes enfants, je fais la sieste avec ma femme. le soir, je vais au village voir mes amis. Nous buvons du vin et jouons de la guitare. J’ai une vie bien remplie. »
L’Américain l’interrompt : « J’ai un MBA de l’université de Harvard et je peux vous aider. Vous devriez commencer par pêcher plus longtemps. Avec les bénéfices dégagés, vous pourriez acheter un plus gros bateau. Avec l’argent que vous rapporterait ce bateau, vous pourriez en acheter un deuxième et ainsi de suite jusqu’à ce que vous possédiez une flotte de chalutiers. Au lieu de vendre vos poissons à un intermédiaire, vous pourriez négocier directement avec l’usine, et même ouvrir votre propre usine. Vous pourriez alors quitter votre petit village pour Mexico City, Los Angeles, puis peut-être New York, d’où vous dirigeriez vos affaires. »
Le Mexicain demande alors : « Combien de temps cela prendrait-il ? »
« 15 à 20 ans », répond le banquier américain.
« Et après ? »
« Après, c’est là que ça devient intéressant », répond l’Américain en riant.
« Quand le moment sera venu, vous pourrez introduire votre société en bourse et vous gagnerez des millions. »
« Des millions ? Mais après ? »
« Après, vous pourrez prendre votre retraite dans un petit village côtier, faire la grasse matinée, jouer avec vos petits enfants, pêcher un peu, faire la sieste avec votre femme et passer vos soirées à boire et à jouer de a guitare avec vos amis. »
Nous ne sommes pas paresseux, nous prenons seulement le temps de vivre
Voilà, cette histoire résume parfaitement le fond du problème. Parce que oui, pourquoi s’acharner à travailler comme nous avons coutume de le dire, pour avoir ce dont nous n’avons nul besoin ?
Sous un autre angle, c’est aussi l’éternel conflit entre la vision Occidentale et Orientale, ce passage de lecture du livre de Yasmina Khadra, Ce que le jour doit à la nuit, en était aussi une parfaite illustration: « Nous ne sommes pas paresseux. Nous prenons seulement le temps de vivre. Ce qui n’est pas le cas des Occidentaux. Pour eux, le temps, c’est de l’argent. Pour nous, le temps, ça n’a pas de prix. Un verre de thé suffit à notre bonheur, alors qu’aucun bonheur ne leur suffit. Toute la différence est là, mon garçon. »
(bon, je sais aussi que cette vision peut sembler décalée par rapport à la réalité, que le monde oriental a son lot d’envahisseurs, de barbares, d’esclavagistes ! Je ne sais que trop bien tout cela, mais ce qui m’intéresse ici, c’est l’approche sur le travail en lui-même)
Avoir un métier ou savoir tout faire ? ou… les deux ?
Quelle est donc cette injonction de devoir se choisir un métier ? Pourquoi devrions-nous entrer dans telle ou telle autre catégorie ?
Un homme complet, alors je ne parle pas là de l’être intérieur et du yin et du yang, et ce même si effectivement, ce travail est censé être fait pour être complet au dehors. Cet homme complet est donc à mes yeux un être sachant, d’abord et avant tout, toucher à tout. Celui-là saura se débrouiller en toute circonstance. Celui-là sera autonome. Celui-là aura un comportement d’adulte responsable. Les autres, sont des enfants, des gamins se rêvant Hommes, et ignorant comment vivre, tout simplement. Ignorant ce que le mot Vivre signifie.
Ils se contentent alors de sucer le mamelon de leur mère Société, de se révolter régulièrement contre leur père Etat – crise de l’adolescence aidant – sans toutefois passer à l’âge adulte. C’est si confortable, l’enfance, n’est-ce pas.
Une autre lecture m’avait marquée, c’était dans le livre « L’Islande médiévale » de Régis Boyer, il expliquait entre autre que certes des métiers existaient bien, mais que chaque habitant savait « tout faire », je vais dire ça comme ça, et ce même si c’est très excessif. Mais sur le fond, le principe était là.
Un Islandais, tout Islandais qui se respectait ! (ils correspondaient à une élite, je précise, ils avaient été choisi en ce sens pour vivre en Islande) savait cuisiner, lire, écrire, chanter, faire de la musique, s’occuper de ses bêtes, fabriquer ses outils, construire sa maison, se soigner, se battre, défendre les siens, etc… et faire ce que nous appellerions aujourd’hui de la politique, c’est-à-dire participer à l’Alping, l’assemblée des hommes libres.
Si travail il y avait, c’était comme pour cette histoire de pêcheur Mexicain. Le travail était lié à la vie de chaque instant tout comme le sacré et le destin*, cela n’avait rien de commun avec le flot actuel de salariés pleurant après un emploi, ou d’étudiants se demandant ce qu’ils vont bien pouvoir faire de leur vie parce qu’ils n’ont pas un métier défini en tête pour se construire et oser exister.
Car au final c’est bien de cela qu’il est question dans notre société d’aujourd’hui. Pour exister, il faut se définir au travers d’une profession, sinon, nous voilà réduit à peau de chagrin, à quantité négligeable, mais bon, dans une société du règne de la quantité (voir le livre Le règne de la quantité, de René Guénon), rien que de très logique au fond…
Odile
* »(…) l’Islandais du Moyen Age païen n’évolue pas dans un univers platement réaliste : le monde des apparences n’est rien pour lui, il sait qu’au-delà ou en deçà existe un autre univers qui est proprement celui du double auquel il peut avoir accès par des moyens magiques. Aussi la lecture de textes réputés réalistes comme les sagas ne manque-t-elle jamais de nous désarçonner, tant ils sont littéralement submergés dans un bain surnaturel
(…) Tout est hanté, tout est dédoublé.
(…) C’est la suprématie de la science, du savoir notamment ésotérique, c’est la valeur éminente de l’intelligence, c’est la certitude implicite que l’essentiel n’est pas visible aux yeux. Et donc, quelle débauche de rites magiques – de transmission, d’imitation, de génération, toute la taxinomie de rigueur est sollicité ici. (…) Un détail encore : si la magie est bien la science des choses secrètes (cachées !), nous ne pouvons être surpris de constater à quel point tous les dieux et héros sont assoiffés de savoir. (…) Aujourd’hui encore, en islandais, « comment allez-vous ? » ne se traduit pas littéralement, mais par « hvad er at frétta? »: qu’y a-t-il à apprendre, quelles sont les nouvelles ! » extraits du livre de Régis Boyer « L’Islande médiévale ».
Pour en savoir plus :
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