Podcast: Play in new window | Download
Parcours initiatique ou rite de passage, voilà des cheminements humains qui existent depuis des siècles et ce partout à travers le monde. Dans notre recherche sur nous-même, en plus des personnes inspirantes qui peuvent jalonner notre route, des rituels, des épreuves peuvent nous aider à mieux nous cerner, à mieux nous réaliser en tant qu’être humain avec un potentiel unique, être pleinement ce que nous sommes au plus profond, donner jour à ce qui sommeille peut-être encore.
Parcours initiatique : le labyrinthe et la marelle
Au cours de mon enfance, le père d’une amie me conseillait de veiller à bien garder les deux pieds sur terre et la tête dans les étoiles – en fait son langage était plus cru, il disait : “Veilles à avoir toujours les deux pieds dans la merde et la tête dans les étoiles” -, voilà en peu de mots de quoi trouver son équilibre dans la vie. Un savant dosage des choses terrestres et spirituelles nous place sur le parcours initiatique menant à la maturité, peu nous importe alors de battre les autres quand nous avons gagné par rapport à nous-mêmes, quand notre unification a eu lieu. A ce cheminement, l’homme a créé il y a bien longtemps le labyrinthe pour le représenter, puis un jeu : la marelle.
Histoire et symbolisme
En dehors de la légende du Minotaure, le labyrinthe, en tant que symbole d’un cheminement initiatique, d’un parcours initiatique, est connu de nombreuses civilisations anciennes, au point que l’on peut parler d’archétype universel : les hommes préhistoriques, les Mésopotamiens, les Scandinaves, les Hopis, les Navajos, les Indiens, les aborigènes d’Australie, les Mayas… ont dessiné des labyrinthes.
À la fin du Moyen Âge, le labyrinthe devient synonyme de mal : il est le lieu maudit de la luxure, du péché, de la perdition. À partir du XIVe siècle, les hommes d’églises vont effacer des labyrinthes dessinés sur le sol et détourner en jeux sans importance ceux qu’ils ne peuvent détruire, voir les cacher sous des tapis, faute de mieux. Au XVIIIe siècle, on détruit ceux de la cathédrale de Sens, de Poitiers, d’Auxerre, d’Arras et d’Amiens (en 1825). Le labyrinthe de la cathédrale de Reims est détruit en 1779 à cause du bruit fait par de jeunes fidèles s’amusant dans ces dédales pendant les offices. Ce mouvement de destruction est suivi dans tous les pays chrétiens car les labyrinthes représentent alors une survivance insupportable du paganisme. Seuls existent encore de nos jours ceux de Saint-Quentin, Bayeux et Chartres.
Jusqu’à la Renaissance, les labyrinthes de déambulation étaient un objet de spiritualité et ne se trouvaient que dans les édifices religieux. Ce n’est qu’à partir du XVIe siècle que des méandres de bosquets se répandent dans de nombreux jardins d’Europe apportant au labyrinthe une dimension dite profane : le plaisir de se perdre.
Pour celui qui pénètre dans le labyrinthe, il s’agit toujours, par la voie de l’égarement, de vaincre un Minotaure, symbole de la bestialité et de l’ignorance. Toute cette symbolique est à l’origine du développement des mazes en Europe. Parmi les disparus, il faut signaler celui de Versailles, réalisé par Le Nôtre. Il fut fermé parce qu’il était source de scandales ; le labyrinthe ayant aussi une dimension érotique. Le plus talentueux des délateurs français, Rétif de la Bretonne, après avoir découvert lors de l’une de ses promenades ce qui se passait la nuit dans les allées du labyrinthe du Jardin des plantes (Les Nuits de Paris, “cent-douzième nuit”), en fit interdire l’accès. C’est Henri II d’Angleterre qui inaugura cette fonction lorsqu’il fit construire un labyrinthe lui permettant de retrouver Rosemonde, sa maîtresse. La reine, Aliénor d’Aquitaine, s’y pris de la même manière que Thésée et finit par trouver sa rivale qu’elle tua au cœur du labyrinthe.
Le labyrinthe prend aussi la forme du jeu (entre autre celui du jeu de l’oie) où les créateurs multiplient les arabesques. Enfin, le labyrinthe est devenu le jeu de la marelle. Le radical de ce mot signifie « pierre », ce qui n’est pas sans rapport avec la construction de l’architecte Dédale. Mais par la forme même du tracé, ce jeu évoque les églises avec leur nef, leur transept et le chœur. Pareille christianisation du mythe initial montre qu’il s’agit maintenant non plus de s’égarer ou d’interdire à quelqu’un de trouver la sortie, mais insiste sur le cheminement spirituel à suivre : l’âme doit passer de la terre (l’entrée de l’église) au ciel (symbolisé par le chœur) en connaissant diverses vicissitudes (les cases de la nef et du transept).
Dans le jeu de la marelle, il s’agit de partir de la Terre et d’atteindre le Ciel en passant suivant les cas par sept cases chiffrées à cloche-pied, au moyen d’un palet, ou caillou, qu’il faut lancer dans chaque case.
Il existe également un cas avec neuf cases dont huit chiffrées. Là, il faut monter jusqu’au Ciel en évitant l’Enfer et en récupérant un petit palet appelé Mérel à chaque étape. Ce Mérel est à rapprocher de la Mérelle (Mère de la Lumière), cette coquille qui ornait le couvre-chef de tout pèlerin de Compostelle, soit un parcours initiatique par excellence. La Mérelle et la Marelle sont donc à mettre en parallèle avec la symbolique suivante :
· Le claudiquant, le boiteux est le symbole de l’élève, de celui qui marche vers l’Initiation, de celui qui apprend à “marcher droit” malgré les embûches. C’est le Mat du jeu de tarot, le fol pèlerin blessé à la cuisse qui démarre son parcours labyrinthique parmi les arcanes majeures.
Note : Il s’agit du même mot que celui signifiant Marelle en grec qui sert de racine au mot grec signifiant le langage des oiseaux.
Le palet, le caillou qui permet de progresser dans l’itinéraire initiatique peut être rapproché de la pierre philosophale des alchimistes, son rôle est le même, un support à la transmutation.
· Le dessin du chemin de la marelle lui-même, qui ressemble au plan d’une église, signe d’un itinéraire spirituel.
Dans “Symboles de la Science sacrée” de René Guénon, on y découvre que la marelle représente l’Axe du Monde, le passage vertical entre la Terre et le ciel, et que monter et descendre (sur un seul pied) le long de cet axe en suivant différents degrés – chaque case étant associée à un état de l’être – permet à celui qui s’y exerce d’être totalement unifié, il peut ainsi s’identifier à l’Axe du Monde et monter vers le ciel ou descendre sur la Terre comme bon lui semble.
Le jeu en vaut la chandelle lorsque nous avons gagné par rapport à nous-mêmes, quand notre unification a eu lieu.
Odile
Pour en savoir plus :
- Mariage alchimique – Union des principes masculin et féminin
- Contemplation, tout un art de vivre
- Booster sa vie avec des personnes inspirantes
- Comment développer sa curiosité intellectuelle
- Forme physique et intellectuelle par la marche à pied
- Marcher pied nu, vivre pied nu, mon expérience
- Comment jeûner correctement : témoignages
- Ile paradisiaque, comment trouver la sienne ?