Apprendre à dire non, apprendre, tellement à apprendre tout le temps, même sur des détails qui peuvent paraître dérisoires, surtout sur des détails qui peuvent paraître dérisoires.
Pour en revenir aux “bonnes âmes” de notre entourage, de notre voisinage, dont je parlais l’autre jour dans ma chronique Vivre sans voiture, en pleine campagne, à ces personnes toujours bien intentionnées à notre égard, toujours tellement attentionnées, prêtes à nous rendre service même quand nous n’avons rien demandé, surtout ! lorsque nous n’avons rien demandé. A ces personnes qui pensent presque à notre place, celles qui savent mieux que nous ce qui serait bon dans notre cas, celles prêtes à agir pour nous sortir du pétrin, celui que ces bons samaritains ont cru déceler dans notre façon de faire, dans notre comportement, sans penser que certains comportements puissent avoir un effet aux antipodes des leurs, donc toujours et encore uniquement sous l’éclairage de leurs angoisses et de leur nécessité intime. Pour en revenir à ces âmes charitables donc, il me faut narrer plus avant quelques anecdotes.
Apprendre à dire non en gérant ses relations de bon voisinage
J’ai un voisin adorable à environ un kilomètre de chez moi. Un vieux monsieur, un retraité, qui s’inquiète tout le temps pour moi. Il y a deux semaines, alors que je me rendais tranquillement à pied jusqu’au chef lieu de canton pour prendre mon car et faire mes courses de la semaine, voilà qu’il passe en voiture et s’arrête en me faisant de grands signes pour que je monte et qu’il me dépose en ville. Lorsque je pars ainsi, je sais le temps qu’il va me falloir pour me rendre à tel endroit, donc si quelqu’un décide en cours de route de me “facilité le trajet” en m’emmenant en voiture, du coup, je me retrouve avec une avance de temps certain, et cela m’oblige à poireauter dans le froid jusqu’à l’arrivée de mon car, alors que sinon, en marchant comme je l’avais prévu dès le début, aucun désagrément de ce type n’arriverait – marcher, cela réchauffe. Forte de mes réflexions – et suite à l’anecdote qui va suivre plus bas -, je réponds à mon voisin que non merci, c’est très gentil, mais aujourd’hui je vais à pied. Et lui de me répondre dans la foulée : «Oh tu fais la gueule aujourd’hui !» Je ris, et le voilà qui repart car de toute façon des voitures arrivent derrière lui et il gêne la circulation.
Apprendre à dire non.
Mais le plus savoureux est la fois précédente, une semaine encore avant, toujours le même voisin au volant de sa voiture, cette fois sur le chemin du retour en ce qui me concerne. Ce jour là, le ciel était couvert, il ne pleuvait pas, mais je n’étais sûr de rien pour ce qui était de la fin du trajet. Et en même temps, la pluie, lorsque je suis bien couverte (l’hiver), cela ne me déplaît pas, pour ne pas dire que parfois, j’aime beaucoup ça. J’ai de nombreux souvenirs d’averses qui m’ont surprise au cours d’une balade, et d’un réel plaisir à marcher ainsi sous la pluie, puis à rire comme une gamine en voyant ma situation une fois arrivée chez moi, obligée que j’étais de me dévêtir complètement sur le paillasson de l’entrée pour éviter d’inonder la maison à force de ruisseler de partout. J’aime ça. Pas toujours, mais cela m’arrive régulièrement. A tel point que parfois je m’en fais une fête, je sens la pluie venir et je l’anticipe mentalement. Lorsqu’elle arrive enfin, c’est la fiesta. C’est un peu comme une danse entre elle et moi, avec le vent comme musique d’accompagnement. Et donc ce jour là, voilà mon voisin qui arrête sa voiture non loin de moi et qui me propose de me raccompagner jusqu’à mon domicile, je le regarde, j’hésite – mentalement j’étais déjà sous la pluie qui elle n’était pas encore là mais ne saurait tarder -, puis finalement écoutant la voix de la raison et le regard insistant de mon voisin, je monte dans sa voiture et il me raccompagne. A peine avais-je franchis mon portail que déjà, je sentais la mauvaise humeur m’envahir. Maussade la mère Odile. Hou là ! fallait pas trop venir me titiller. Le voisin venait de me déposer chez moi, et moi, je ne décolérais pas une fois passé le seuil de la maison. M’enfin quoi, c’est vrai ! Imaginez une minute un parachutiste (une femme). Elle est là, avec tout son matériel, son harnachement sur elle, prête à sauter, se faisant une joie de ce saut, le savourant longuement à l’avance. Et d’un seul coup, le pilote de l’avion lui dit «Bouge pas ma poule, tu vas pas sauter comme ça, moi je dépose l’avion au sol comme ça tu seras tout de suite rendu.» Il y a de quoi péter un câble, non ?
J’étais furieuse, furibarde après moi. Grosse colère. J’avais encore cédé au chant des sirènes, la sirène en question étant ce jour là, mon voisin.
Apprendre à dire non.
Odile
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